Il est fréquent d’observer, dans la structure d’entreprises familiales, que l’actionnaire de la société n’est pas directement le fondateur de celle-ci, mais plutôt une fiducie familiale, ayant comme bénéficiaires le fondateur mais également tous les membres de sa famille. La fiducie peut devenir actionnaire dès le démarrage de l’entreprise, mais plus souvent elle prendra part à l’actionnariat à l’occasion d’un gel d’actions, lorsque l’entreprise aura atteint une certaine valeur et profitabilité. Voici un aperçu de trois avantages d’avoir une fiducie familiale comme actionnaire.
Légalement parlant, une fiducie n’est pas une “personne” comme l’est par exemple une société par actions. La fiducie est plutôt un ensemble de liens juridiques selon lesquels les fiduciaires administrent un ou des biens affectés à une fin particulière, pour les bénéficiaires désignés dans l’acte de fiducie. Les biens administrés sont détenus par les fiduciaire et les titres de propriété des biens sont établis en leur nom (ès qualités de fiduciaire). Le Code civil du Québec prévoit que le patrimoine fiduciaire « constitue un patrimoine d’affectation autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du bénéficiaire, sur lequel aucun d’entre eux n’a de droit réel ».
C’est ainsi que la fiducie permet, sauf exceptions, de mettre à l’abris des créanciers certains biens, notamment des actions d’une société. Puisque les actions ne font pas partie du patrimoine du constituant, des fiduciaires ou des bénéficiaires de la fiducie, et le patrimoine étant le gage commun des créanciers, celles-ci sont en principe à l’abris de toute saisie en cas de poursuite civile ou faillite.
Les fiducies familiales sont généralement structurées de manière à ce qu’elles soient « discrétionnaires ». Ceci signifie que les fiduciaires ont, en vertu des pouvoirs qui leur sont conférés par l’acte de fiducie, une discrétion totale pour attribuer à l’un ou l’autre des bénéficiaires les revenus gagnés par la fiducie. Sous réserve des règles fiscales contre l’attribution de revenu, les fiduciaires peuvent donc répartir de manière avantageuse entre les membres de la famille les dividendes que la fiducie reçoit de la société, en évitant le taux d’imposition marginal.
Un résultat similaire peut être obtenu à l’aide d’actions à dividende discrétionnaire, participantes ou non.
L’exonération pour gain en capital permet, limitée à 913 630 $ par personne en 2022, à un actionnaire de vendre ses actions d’une société exploitant une petite entreprise (SEPE) à l’abris de tout gain en capital imposable. La fiducie familiale a comme avantage de permettre d’attribuer le gain en capital à plusieurs bénéficiaires (par exemple au conjoint(e) et aux enfants), afin que chacun puisse utiliser son exonération pour gain en capital et par conséquent de minimiser l’impact fiscal découlant de la vente.
Il est important de noter que la fiducie ne constitue pas une personne morale, et ne peut pas être partie à un contrat ni être désignée comme propriétaire de biens dans les titres de propriété. Le fiduciaire engage le patrimoine fiduciaire en agissant « ès qualités » de fiduciaire, et les titres de propriété des biens faisant partie du patrimoine fiduciaire sont établis au nom du fiduciaire (art. 1278 du Code civil du Québec). Le registre des valeurs mobilières et les certificats d’actions ne devraient pas désigner la fiducie comme actionnaire en soi.